Le premier épisode de cette série de reportages vous présentait le dispositif d’accompagnement de jeunes ayant fait l’objet d’une condamnation, mis en place par 3F, en partenariat avec la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). Pour en savoir plus, nous avons interrogé quelques-unes des personnes volontaires pour participer à ce dispositif, en commençant par une rencontre avec Marc Niazaire, gardien à Chilly-Mazarin, son chef de secteur, Mehdi Ait Slimane et le jeune qu’il a accompagné (que nous appellerons « T.M. »), à l’occasion du bilan de fin de « stage » de ce dernier. Nous avons ensuite rendu visite à un second gardien, Axel Anicette, qui avec sa collègue Mme Geromegnace, a inauguré le dispositif il y a plusieurs mois à Viry-Châtillon.
©3F/Joseph Wilson
- T.M., 17 ans : « Je pensais me lever pour rien, et, en fait, on n’a pas arrêté de bouger. »
Voilà ce que nous répond T.M., 17 ans, lorsqu’on lui demande ce qu’il imaginait du métier de gardien ou de gardienne avant de commencer ses trois jours d’immersion.
Mehdi Ait Slimane, le chef de secteur, le confirme : « Je suis persuadé que, à l’issue de ces trois jours, T.M. n’a pas du tout la même vision du métier de gardien qu’avant. »
Son « tuteur », Marc Niazaire (photo), un homme bienveillant et enthousiaste, partage cette analyse : « Il était très surpris de voir la diversité de nos tâches ! Il pensait que le gardien faisait seulement les poubelles et la police. Ce qui n’est pas du tout le cas. »
En réalité, si le matin est consacré au ramassage de déchets et au nettoyage des locaux, l’après-midi est consacré à des tâches administratives, aux appels et rendez-vous avec les locataires, aux visites et aux réponses aux urgences et problèmes éventuels.
À Viry-Châtillon, Axel Anicette, qui a déjà encadré plusieurs groupes de jeunes avec sa binôme, Mme Geromegnace, abonde en ce sens : « Je crois que ce qui m’a le plus surpris, c’est la méconnaissance de notre métier. Les jeunes s’imaginaient qu’on restait dans notre bureau sans rien faire toute la journée. Là, ils ont pas mal bougé ! »
- Le métier de gardien ou de gardienne, au plus proche de l’humain
Pour Marc Niazaire, « Le métier de gardien, c’est d’abord aimer les gens. »
Quand on demande à T.M. ce qu’il a préféré faire, il nous répond d’ailleurs qu’il s’agit du contact avec les locataires. « On aurait dit que c’était un ami, pas un gardien. » nous confie le jeune homme. « Je lui ai montré que les policiers pouvaient être sympas. » ajoute Marc Niazaire.
Ce n’est pas un hasard si l’on trouve le plus de volontaires dans les Quartiers prioritaires de la ville (QPV), quartiers jugés les plus difficiles. Si l’ensemble des gardiennes et des gardiens des QPV ne participent pas à ce dispositif, l’altruisme est au cœur de la motivation de celles et ceux qui croient en cette seconde chance.
Pour preuve, Axel Anicette a souhaité inaugurer le dispositif, car il avait « à cœur d’aider la jeunesse à se réinsérer. »
Quant à Marc Niazaire, il explique s’être « mis à la place » de T.M. « J’ai essayé de comprendre ce qui lui était arrivé. Dans ma vie, des adultes m’ont aidé. C’est à mon tour d’aider. »
- Les ingrédients de trois journées réussies
Si Axel Anicette et Marc Niazaire n’exercent pas leur métier dans la même ville et ont des personnalités bien différentes, ils ont tous deux en commun un sens de la pédagogie. Cette faculté est indispensable à la réussite de l’expérience.
Axel Anicette, « tout en posant un cadre pour que l’on se respecte réciproquement », a souhaité parler musique et sport avec les jeunes qu’il encadrait et « leur montrer qu’on pouvait prendre du plaisir en travaillant ».
Marc Niazaire, de son côté, a partagé tous ses déjeuners avec T.M. Il évoque « des conversations de fond, pour essayer de donner à T.M. des conseils d’adulte ».
L’apprentissage n’est d’ailleurs pas à sens unique. « J’ai également appris de lui », explique Marc Niazaire. « C’est important de transmettre des valeurs aux jeunes, car ce sont les porte-parole idéaux », abonde Axel Anicette. « Ils parlent de leur expérience à leur famille, à leurs amis. Ça crée un effet boule de neige, qui profite à tout le monde. »
- « Respecter tout le monde pour être respecté »
Le bilan ne se fait pas attendre. Axel Anicette met particulièrement en avant les séances de nettoyage, épreuve la plus difficile pour ses recrues, mais surtout la plus éclairante. « Ils sont passés de l’autre côté ! Quand ils ont réalisé ce qu’on avait parfois à nettoyer, ils ont compris l’importance du respect de son environnement. » raconte le gardien. « Il y a même un jeune qui m’a dit qu’il avait l’habitude de jeter beaucoup de choses dans les escaliers avec sa sœur. Je veux croire qu’il ne recommencera pas ! » Quant à T.M., il confie avoir appris qu’il fallait « respecter tout le monde pour être respecté ».
Le jeune homme souhaite aujourd’hui « présenter ses excuses à la mairie » et « remercier tous les gens qui l’ont accompagné ». Il n’exclut d’ailleurs pas de devenir gardien plus tard.
À l’issue de cette rencontre, nous nous disons que nous avons peut-être « tiré la bonne pioche », et que ces expériences semblent trop reluisantes. Sans doute y a-t-il eu des mauvaises expériences, des incompréhensions entre jeunes et gardiennes ou gardiens ou encore des rencontres moins concluantes.
Pour autant, malgré plusieurs questions sur les difficultés qu’on imagine sans mal au regard de la teneur du dispositif, ce n’est pas ce que les personnes interrogées ont voulu mettre en avant.
On trouve en effet du côté des gardiens et gardiennes volontaires, une authentique satisfaction. Axel Anicette comme Marc Niazaire renouvelleront l’expérience s’ils en ont l’opportunité.
Les deux hommes souhaitent également que le dispositif prospère et s’étende au plus grand nombre de départements possible.
De la déconstruction des préjugés à une véritable compréhension mutuelle, voire à la naissance de vocations, ce partenariat semble particulièrement encourageant.
D’une ville à l’autre, les difficultés à dépasser comme les expériences fructueuses laissent présager des résultats fondateurs et la création, dans certains cas, de nouveaux liens.