Le partenariat lancé par 3F avec la région Île-de-France pour l’aide à la création d’entreprises est sur le point d’entrer dans sa phase opérationnelle. Genèse du projet, objectif et légitimité du bailleur social : Fatma Mehadjebia, chargée de mission gestion sociale et urbaine chez 3F, revient pour nous sur un partenariat aux formes multiples en constante recherche d’adéquation avec les besoins des personnes concernées.
©3F/Joseph Wilson
« Vous voulez un thé ? Un café ? On baisse le chauffage peut-être ? ». Il neige dehors, mais, dans le bureau E37 du 159 rue Nationale, siège de 3F, l’atmosphère est chaleureuse. Et pour cause, Fatma Mehadjebia, qui porte depuis mars 2017 le projet de 3F d’aide à la création d’entreprises, en partenariat avec la région Île-de-France, respire la bienveillance.
- Se confronter à la réalité du terrain
Le projet en question vous a été présenté dans l’épisode précédent : 3F s’est lancé en mars 2017 dans un partenariat avec la région Île-de-France portant sur l’aide à la création d’entreprises, notamment dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV), où le taux de chômage est supérieur à la moyenne nationale.
Ce projet, c’est donc Fatma Mehadjebia qui nous le présente en cette matinée hivernale. Mère de famille d’une quarantaine d’années, Fatma a 20 ans d’expérience dans les politiques de la ville. Elle a travaillé au sein de plusieurs collectivités locales, notamment pour la mairie de Saint-Denis, et participé aux tous premiers Projets de rénovation urbaine (PRU) : autant dire qu’elle maîtrise son sujet.
Après ces expériences institutionnelles, Fatma a souhaité se rapprocher davantage du terrain. « Mener une politique globale, décréter des choses, pour moi, ça ne marche pas. Il faut vraiment travailler avec les gens, leur faire vivre les projets. C’est au niveau microlocal qu’on peut faire des choses. » considère la chargée de mission. C’est pourquoi, mue par une détermination certaine, Fatma a considéré que la suite logique de son parcours était de rejoindre un bailleur social, de l’envergure de 3F. Cela, pour avoir davantage de moyens pour agir.
Depuis 12 ans, Fatma se déplace ainsi dans les QPV de Trappes, de Cergy ou d’ailleurs pour rencontrer les gens et se familiariser avec leur vie quotidienne et leur environnement, avant de poser un diagnostic sur leurs difficultés. L’objectif : trouver des solutions concrètes pour y remédier. Efficacement et dans des délais raisonnables, tant que faire se peut.
Inconditionnelle du terrain, Fatma a notamment obtenu un détachement de 18 mois dans les Hauts-de-Seine en tant que cheffe de secteur. Là-bas, elle a contribué à l’instauration de fêtes des voisins ou de jardins partagés dans des quartiers en difficulté. Elle a ainsi promu davantage d’attention entre les membres de mêmes quartiers et favorisé l’entretien d’un lien social entre les gens, ce qui, dans bien des cas, facilite le quotidien.
Forte de ces expériences et de ces succès, elle contribue depuis 2015 à faire vivre l’une des ambitions du département de la gestion sociale et urbaine (DGSU) de 3F : adjoindre au volet développement durable un véritable objectif de développement économique.
« Mes collègues du DGSU sont au point sur les questions de cohésion sociale ou encore d’amélioration des cadres de vie. Ce qu’on voudrait, à terme, c’est ajouter un volet développement économique à ces compétences », nous explique Fatma.
- Mettre des locaux vacants au service de structures d’aides volontaires pour favoriser l’entreprenariat
Avant de nous présenter le dispositif Entrepreneur#Leader, qui vise à harmoniser l’aide à la création d’entreprises partout en Île-de-France, décrit dans l’épisode précédent, Fatma nous interroge : « Vous savez qui sont les plus grosses entreprises en France ? On pense toujours au CAC 40. Mais les entreprises les plus nombreuses, c’est l’artisanat. Il faut les aider ! »
Pour Fatma, ce dispositif relève d’abord du bon sens : « De leur côté, les structures d’aide ne couvrent pas tous les territoires. De notre côté, nous avons des locaux. Il s’agissait simplement de croiser les demandes sur tous les territoires avec les locaux vacants chez 3F. » résume-t-elle.
- Incubateurs thématiques, tiers-lieux et Fablab : place à l’invention et au collectif
Fatma nous présente également les incubateurs thématiques. Le nom peut impressionner mais le principe est simple : ces structures spécialisées se proposent de soutenir des initiatives qui s’inscrivent dans leur champ de compétence (alimentaire, cosmétique, industriel…), en privilégiant la méthode du test&learn ainsi qu’une approche progressive. Le projet sera ainsi d’abord mûri en coulisses, avec des spécialistes, avant d’être généralisé.
Dans le même esprit, Fatma énumère les espaces imaginés : tiers lieux, coworking, Fab lab, locaux de bureaux, lofts ou encore ateliers de conception sont envisagés. L’idée est d’offrir des espaces de travail divers, favorisant les échanges professionnels des différents acteurs et actrices de la création d’entreprises et proposant des conditions de travail de qualité, à proximité des domiciles des personnes concernées.
- Une priorité : s’adresser aux femmes et aux jeunes
Tout cela, à destination d’un public en priorité : 3F cherche à susciter la participation des publics dans les QPV, où le taux de demandeurs et demandeuses d’emploi est largement supérieur à la moyenne nationale.
On sent que c’est à ces personnes que Fatma pense en particulier : « Nous souhaitons être le plus près possible des gens », affirme-t-elle.
Le dispositif s’adresse plus particulièrement aux femmes et aux jeunes de ces quartiers, qui sont les populations les plus éloignées de l’activité économique. L’idée est, pour certaines et certains, d’envisager une réelle seconde chance. Pour les aider, les équipes de 3F favorisent la mise en réseau de différentes associations, coopératives, et plus largement de toutes les structures susceptibles de favoriser l’entrepreneuriat pour stimuler l’insertion professionnelle.
« J’ai rencontré Positive Planet. Leurs équipes vont partout dans les QPV pour se faire connaître. Et ça fonctionne. » nous raconte Fatma, enthousiaste.
- La connaissance du terrain comme vecteur de légitimité
Mais quel est le lien entre développement social urbain et développement économique ? Autrement dit, quelle est finalement la légitimité d’un bailleur social pour accompagner ses locataires dans la création d’entreprises ?
Cette question, Fatma l’a d’abord devinée dans l’esprit de son interlocutrice au sein de la région Île-de-France, qu’elle n’a réussi à identifier qu’après des recherches suivies — « Il ne suffit pas de décrocher son téléphone et de dire “Allo ? La Région ? Passez-moi la personne en charge de l’aide à la création d’entreprises s’il vous plaît” ironise-t-elle.
En réalité, elle s’est d’abord posée elle-même cette question : “Je me demandais si nous restions bien dans notre périmètre d’action.” admet-elle. Mais son point de vue a vite évolué en rencontrant les publics cibles du dispositif : “Je suis désormais tout à fait convaincue. La personne qui est légitime, c’est celle qui lance la démarche et qui connaît ses publics. ». Comme souvent chez 3F, la proximité est l’une des principales sources de légitimité.
- Lancement imminent de la phase opérationnelle !
Où en sommes-nous aujourd’hui ? La phase de diagnostic prend fin, et le lancement de la phase opérationnelle aura lieu début 2019. Celle qui se dit fière d’ « avoir réussi à convaincre ses collègues de s’aventurer sur le champ du développement économique » a bien conscience qu’il faut maintenant « Y aller ! Se confronter au terrain, tant sur l’installation des structures que sur la mobilisation des équipes. »
Le dispositif commencera à se mettre en place à Cergy et à Trappes. Mais, à terme, c’est bien l’ensemble de la région Île-de-France qui est visé. Heureusement que l’ambassadrice semble tenace et déterminée ; ces deux qualités ne seront pas de trop au regard de l’ampleur du projet.
Publié le 19/12/2018