Vue de la résidence Bateau-Lavoir, construite sur piloti, sur les bords de la Sauldre et qui rappelle les bateaux-lavoirs d'antan.
Fred Guillaud

Publié le 04/07/2025

Bateau-Lavoir : 3F s’engage à construire pour vivre avec la nature

Exposé au Pavillon français de la Biennale d’architecture de Venise, le projet Bateau-Lavoir de 3F Centre Val de Loire incarne l’engagement du groupe 3F à concevoir un habitat résilient et abordable. Le point avec Souleye Diouf, directeur général de 3F Centre Val de Loire et Luca de Franceschi, directeur de l’architecture et du développement durable d’Immobilière 3F. 

En quoi la résidence Bateau-Lavoir est-elle si emblématique ?

Souleye Diouf : Cette résidence a été construite dans le cadre de la reconversion de la friche urbaine qui accueillait autrefois l’usine automobile de Matra. Ce site était un marqueur identitaire fort de Romorantin-Lanthenay qui se trouve en centre-ville, en zone inondable. La Ville a souhaité le reconvertir  en un quartier d’habitat. Les deux bateaux-lavoirs constituent notre dernière intervention sur le projet. Leur conception portée par l’architecte Éric Daniel-Lacombe (Agence EDL), et celle du quartier dans son ensemble, est l’aboutissement d’une réflexion urbanistique et architecturale qui a intégré l’inondation comme un aléa climatique avec lequel il faut composer. Nous avons souhaité  rompre avec la logique de protection souvent symbolisée par des systèmes de digues susceptibles de céder en cas de crue exceptionnelle, pour s’orienter vers une démarche d’alliance entre la ville et la nature. D’où les constructions sur pilotis, les cheminements hors d’eau, l’organisation du quartier pensée pour que l’eau puisse toujours s’écouler en cas de crue.


Quels retours d’expérience peut-on tirer 10 ans après l’inauguration du deuxième bâtiment ?

Luca de Franceschi : Ce projet marque incontestablement un tournant dans notre manière d’envisager le changement climatique et ses conséquences. Avec le Bateau-Lavoir, l’objectif était d’aller au-delà des prescriptions du PPRI*. Nous avons vu que c’était possible et d’une certaine manière, ce projet  nous a aidé à revoir notre approche des risques climatiques en construction. Il faut toutefois garder à l’esprit la responsabilité que nous portons envers nos locataires en termes de sécurité  et de confort. Le projet de Romorantin ne signifie pas que désormais nous construirons dans toutes les zones inondables. En tant que constructeur, nous participons à l’aménagement des territoires et proposons des solutions adaptées en fonction des situations et du contexte du projet, notamment politique et réglementaire.

S.D. : Cette opération constitue un élément clé dans notre acculturation à ce qu’on peut appeler « l’habitat résilient ». On ne prend plus simplement en compte le risque climatique pour se protéger de la nature. Nous cherchons des solutions pour vivre avec elle. La crue exceptionnelle de 2015 à Romorantin a montré que notre raisonnement tient la route. Le bateau-Lavoir est bien resté hors d’eau. D’autres projets de ce type sont en cours d’étude dans la région (Orléans, Romorantin) qui est fortement exposée au risque d’inondation en raison de la présence de nombreux cours d’eau. Nous appliquons également cette approche pour d’autres risques tels que le retrait gonflement des argiles. Je pense notamment à un site où nous avons détruit plusieurs bâtiments fissurés. Nous sommes en train de réfléchir à la manière de repenser les fondations mais aussi le système d’écoulement des eaux de pluie pour mieux intégrer et gérer l’impact de la sécheresse sur les sols argileux.


La résidence représente 3F à l’exposition du pavillon français de la Biennale de Venise. Qu’est-ce que cela représente pour 3F Centre Val de Loire et plus largement pour 3F ?

L.d.F. : Je dirais que notre présence à Venise est une forme de reconnaissance d’une démarche que nous menons et structurons depuis plusieurs années maintenant : 3F Climat. Structurée en trois axes (décarbonation du bâti, adaptation au changement climatique et l’acculturation aux nouveaux modes de vie), elle fonctionne selon les principes de la R&D et favorise la mise en œuvre de solutions inédites dans le but d’évaluer leur pertinence voire de les répliquer. Nous ne nous contentons pas de respecter la réglementation, nous tentons d’aller au-delà sur des sujets tels que le confort d’été, les réseaux de froid, la gestion de l’eau ou encore la sobriété des bâtiments.

S.D. : Oui, c’est la reconnaissance de notre approche en matière de construction résiliente. 3F a été au rendez-vous, pour ne pas dire en avance puisque la résidence a été livrée en 2015, d’un enjeu devenu majeur aujourd’hui : la prise en compte de l’instabilité climatique, non en termes de risque mais d’aléas, pour la conception d’un bâtiment. Et cette reconnaissance est d’autant plus précieuse que sur des sujets aussi prospectifs, notre patrimoine et les différents projets que nous menons constituent de formidables leviers d’expérimentations. pour contribuer à notre échelle à faire bouger les choses, en mobilisant l’ensemble de notre écosystème !


Vous parlez d’écosystème, la pluridisciplinarité est-elle une condition sine qua non pour l’avenir du bâtiment résilient ?

S.D. : Indéniablement. Dans le milieu du bâtiment, les enjeux économiques, assurantiels, sécuritaires, réglementaires sont tels qu’il est souvent plus confortable de rester dans notre zone de confort. La conception du premier Bateau-Lavoir par exemple, est le fruit de la mutualisation des expertises de l’architecte, des bureaux d’études et des assistants à maîtrise d’ouvrage, de la connaissance du territoire des élus et d’un dialogue constant  avec les autorités de l’Etat. Finalement, ces échanges ont permis la construction d’une résidence résiliente et l’évolution de la réglementation en la matière. Ce qui nous a grandement aidé pour la construction du Bateau-Lavoir 2.

L.d.F. : Rassembler les expertises autour de la table et les amener à identifier des solutions innovantes pour l’habitat de demain, c’est un peu notre rôle. L’événement 3F Bâtisseur durable qui s’est tenu fin 2024 s’inscrit dans cette logique. Architectes, urbanistes, élus, promoteurs, aménageurs, étudiants ont répondu présents pour réfléchir ensemble aux nouvelles manières de construire l’habitat et la ville de demain. Dans nos consultations, nous incitons également les répondants à innover. Cette année nous avons lancé un concours en partenariat avec l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Versailles autour de la notion de confort pour explorer de nouvelles pistes en matière de réhabilitation. Car construire la ville de demain passe avant tout par l’adaptation du bâti existant. Toutefois, il ne faut pas oublier que la construction ou la réhabilitation d’un bâtiment demande du temps. Deux, trois ans dans les meilleurs cas. Il en va donc de même pour les expérimentations, les retours d’expérience et la généralisation des solutions innovantes qui ont fait leur preuve.

*Plan de prévention des risques d’inondation.